Nicole Kuster: savoir-vivre et chant lyrique

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Lara Valentin :

Bonjour chers auditeurs, aujourd’hui nous recevons une invitée vraiment toute particulière et très chère à mon cœur, madame Nicole Kuster. Elle nous expliquera pourquoi on doit dire Kuster et pas autrement. Alors, Nicole, est-ce que vous pouvez vous présenter en quelques mots votre rôle, votre environnement professionnel, en somme votre quotidien ?

Nicole Kuster :

Et bien, je suis Alsacienne et c’est pour ça qu’il faut dire Kuster puisque ça doit se prononcer comme ça s’écrit, tout bonnement. Et mon environnement professionnel, et bien c’est la musique.

J’ai toujours voulu être chanteuse d’opéra et j’ai réussi à en faire mon métier. Et puis peu à peu, je me suis mis à enseigner pour partager ma passion d’une autre façon, donc non plus seulement sur scène, mais aussi en la prenant à d’autres.

Lara Valentin :

Donc la passion de la transmission, ça me parle, ça me parle .Comme vous savez, j’ai créé OR.RA, aussi dans cette idée de transmettre une passion et un bonheur.

Alors, selon vous, qu’est-ce que le savoir-être aujourd’hui ? Et pourquoi est-ce un levier important dans votre secteur à vous ?

Nicole Kuster :

Alors, le savoir-être dans mon secteur, c’est très très important, puisque c’est un secteur qui a ses codes. Et si on ne les a pas, et bien, c’est un énorme frein à la réussite. Et ça a été un énorme frein pour ma propre réussite, puisque je ne savais pas comment me débrouiller du tout.

Et donc, je suis la première à dire, de ce fait, que connaître les codes de la société dans laquelle on évolue permet de s’épanouir au mieux et aussi permet de communiquer au mieux avec les autres, ce qui est quand même très agréable.

Lara Valentin :

Avec le recul, est-ce que vous pensez que ce sont des codes que vous auriez pu acquérir sur le tard, par exemple, ou même dans l’enfance ?

Nicole Kuster :

Alors, ce sont des codes qui s’acquièrent à tout âge.

Et simplement, dans mon cas, ce n’est pas un défaut d’éducation de la part de mes parents, c’est juste qu’ils n’étaient pas du tout dans le milieu artistique et que ce sont des personnes qui vivent beaucoup repliées sur elles-mêmes. C’est-à-dire, c’est exactement l’inverse de mon métier. Donc c’est pour ça que je n’avais pas les codes. Un exemple très simple, je ne savais pas que quand on était reçu chez quelqu’un, le lendemain, il fallait envoyer un petit carton de remerciement.

Et ça n’a l’air de rien, mais tout ce genre de choses , ont énormément bridé ma carrière.

Lara Valentin :

Vous pensez que les gens ont imaginé que vous refusiez ces codes ? Ou est-ce qu’ils ont quand même perçu le fait que vous ne les aviez pas du tout reçus ?

Nicole Kuster :

Je n’en ai aucune idée, puisque ça m’a coupé des gens.

Lara Valentin :

Comment vous en êtes-vous rendu compte finalement que ce sont ces petites choses qui, accumulées, ont eu un impact sur votre vie professionnelle ?

Nicole Kuster :

Eh bien, parce que je me suis demandé pourquoi j’étais tellement isolée. Et que à force, à force, j’ai fini par remarquer que la différence était dans le fait qu’une autre chanteuse allait rappeler tel metteur en scène ou tel chef d’orchestre pour simplement prendre de ses nouvelles, pour simplement se comporter comme une amie, alors même qu’ils ne sont pas amis, mais voilà, pour créer un lien personnel, alors que moi, je me contentais d’un lien strictement professionnel.

Lara Valentin :

Donc finalement, au-delà du, de la communication immédiate, il y a, semble-t-il, dans certains contextes, des comportements à adopter, des comportements implicites qui sont attendus avant, pendant et après les rencontres pour créer ce lien. Donc, vous nous avez donné une petite anecdote déjà, mais est-ce que vous auriez un autre fait marquant par rapport à cela, mais qui, pour vous, aurait été déterminant, en positif ou pas, dans votre parcours ?

Nicole Kuster :

Déterminant. Alors oui, j’ai un exemple pour le coup. C’est quand je suis rentrée au Conservatoire de Paris, j’ai eu en même temps cette année-là une proposition d’intégrer une troupe pour un spectacle lyrique qui était très intéressant, mais cela me forçait à demander un an de congé alors que je venais juste d’entrer au conservatoire. Et j’ai appris qu’on pouvait demander cette année de congé et là, j’ai fait une erreur monumentale.

C’est-à-dire que non seulement je ne me suis pas dit : « Attends, tu es première année, ton professeur ne te connaît pas encore », mais en plus, j’ai fait ma demande par téléphone. Au lieu d’attendre d’avoir mon premier cours et de demander à mon professeur si c’était une chose qui se faisait, comment est-ce qu’on pourrait l’envisager ensemble. Et du coup, ça a été euh… Je me suis vraiment pris une porte en pleine figure et ça a durablement impacté ma relation avec mon professeur de chant. Ce qui, comme on peut s’en douter, pour une chanteuse qui vient de rentrer au Conservatoire de Paris, c’est un vrai problème.

Lara Valentin :

Donc, on peut résumer un petit peu cette mésaventure, finalement en disant que cette élégance comportementale qu’on peut acquérir, comme vous dites, avec le temps, c’est un peu comme de l’huile dans les rouages. Car quand j’écoute votre histoire, finalement, pour arriver au même résultat, il fallait simplement poser la question, mais savoir comment la poser, à quel moment la poser, à qui la poser, parce que vous aviez l’information, mais vous avez été un petit peu, je dirais, droit au but, un peu direct.

Alors que finalement, l’importance que l’on donne à l’autre, à l’impact que l’on va avoir sur l’autre est important, y compris dans le milieu lyrique où vous étiez.

Nicole Kuster :

Absolument, absolument, c’est tout à fait ça. Et c’est des choses que si je les avais connues au préalable, si on m’en avait informé au préalable, je n’aurais pas fait ces erreurs-là. Voilà.

Lara Valentin :

C’est… On en revient encore à la transmission, à l’éducation.

Je sais qu’aujourd’hui, ce mot est un petit peu galvaudé et a parfois une connotation négative, mais c’est une forme d’éducation que d’apprendre à vivre avec l’autre.

Ça tombe très bien. La quatrième question concerne la façon dont vous cultivez ou transmettez votre savoir-vivre, votre savoir-dire, votre savoir-être dans la vie, dans votre vie personnelle et dans votre vie professionnelle.

Nicole Kuster :

Et bien en fait, comme mon éducation comportementale sociétale avait des lacunes, je suis toujours en apprentissage, en fait.

Et je suis simplement devenue très prudente, notamment parce que ma vie m’a amené à vivre dans différents lieux et que j’ai remarqué que même si ce sont des lieux francophones, ou même si ce sont des lieux germanophones, les mots n’ont pas le même poids. Par exemple, j’ai commencé ma carrière de chanteuse lyrique à l’Île-Maurice. Et là-bas, alors j’avais déjà appris la prudence un petit peu avec les premières mésaventures, et là-bas, j’ai compris qu’il ne fallait pas dire non.

À l’Île-Maurice, on ne refuse rien. On ne peut pas dire non. Donc voilà, ce n’est pas le cas en France hexagonale. Par contre, j’ai vaguement l’intuition qu’il y a quelque chose du même ordre en Martinique.

Lara Valentin :

Je pense que nous pouvons dire non, mais il faut peut-être mettre les formes. Et donc, comment vous diriez que vous le cultivez ? Par l’observation, finalement. Pas par la recherche de livres ou d’enseignants.

C’est plus l’observation du vivant, des gens qui vous environnent. Oui, tout à fait.

Nicole Kuster :

C’est uniquement par l’observation du vivant. Ça, c’est une déformation à la fois du chant, qui est donc ma profession et ma passion première, puisque le chant est un art oral et ne peut s’enseigner décemment que oralement. Et c’est aussi la même chose pour un art que je pratique avec beaucoup de joie, qui est le taïchi.

Il ne peut s’enseigner non plus qu’oralement. Donc, pour ces deux raisons, pour moi, c’est une… Et puis, en plus, il y a ce qu’on ne peut pas avoir dans les livres, c’est-à-dire le langage corporel, le langage du visage. Et ça, on ne peut pas le transmettre autrement que de personne à personne, de visu à visu.

Lara Valentin :

Je vous embête un petit peu, mais ça m’amène à m’interroger sur l’aujourd’hui encore, même en ayant conscience du fait qu’effectivement, il y a certains codes et que vous avez quand même réussi à mener votre carrière à bien, même s’il y a eu certains écueils.

Aujourd’hui encore, vous ressentez ce besoin d’apprendre, de faire lien, de créer du lien avec les gens autour de vous. Ce qu’on pourrait penser, bon voilà, ce qui s’est passé, s’est passé. Maintenant, je suis chanteuse, je suis enseignante. Je n’aurais peut-être plus besoin d’apprendre de nouvelles choses. Maintenant, je connais, je sais.

Nicole Kuster :

Alors, s’il y a une chose que j’ai apprise, c’est qu’on ne sait jamais.

On parodie la chanson de Jean Gabin. Et donc moi, ce qui m’intéresse, c’est maintenant, c’est la transmission, c’est la joie de la musique et c’est l’humain. Et donc, en fait, chaque personne que j’ai la chance de côtoyer, j’ai envie de la découvrir, de lui apporter ce que je peux lui apporter et de la comprendre de mon mieux. Et donc pour ça, eh bien, ça nécessite une attention, une ouverture et de lâcher les préjugés, les présupposés.

Lara Valentin :

Voilà. Vous attendez ça aussi de l’autre ? Petite question piège. Alors non, je ne l’attends pas. Si l’autre le fait, je suis heureuse. Si l’autre ne le fait pas, je considère juste que pour des raisons qui lui sont propres, il n’est pas dans ce chemin. Dans cette disposition-là. Voilà. Grande ouverture d’esprit, madame Kuster. J’essaie, j’essaie.

Lara Valentin : Alors, nous arrivons à la fin de cet entretien. Est-ce que vous auriez une valeur ou une phrase clé que vous aimeriez partager avec nos auditeurs ?

Nicole Kuster :

Alors oui, il y a une phrase clé que j’ai trouvée très récemment, parce que je fais des collections de petites phrases. Et c’est de Pirandello, qui était un écrivain italien du… De la fin du dix-neuvième, vingtième siècle. Et voici ce qu’il a écrit. Il est plus facile d’être un héros qu’un honnête homme. Héros, nous pouvons l’être une fois par hasard. Honnête homme, il faut l’être toujours.

Lara Valentin : Ça s’inscrit effectivement parfaitement dans votre parcours et dans ce que vous nous dites, car vous avez appris et vous cherchez toujours à apprendre.

Il y a quelque chose de chronique dans votre— Chronique dans le sens positif — dans votre histoire. Donc ça ne m’étonne pas que ça vous parle, mais est-ce que vous pourriez fleurir un petit peu cette, euh, cette citation ?

Nicole Kuster :

Oui, et bien, être un héros, ça demande beaucoup de courage et loin de moi, voilà, c’est super d’être un héros, mais la chose la plus difficile, c’est d’être honnête homme au sens du dix-huitième siècle, c’est-à-dire l’homme de bien, l’homme droit, l’homme poli, l’homme loyal, tous les jours.

Donc c’est la constance, effectivement, comme vous le dites, qui est— qui requiert, le plus d’entraînement. Et c’est vraiment tous les jours où il faut remettre, comme le dit Ronsard, cent fois sur le métier, remettez votre ouvrage. On n’est jamais quitte de la politesse, on n’est jamais quitte des règles du savoir-vivre ou du savoir-être.

Lara Valentin :

Merci beaucoup Nicole pour ce partage. Donc nous avons eu droit, vous avez noté, à deux jolies citations.

Ce que je ressens, c’est une certaine douceur et une certaine humilité. Malgré, finalement, ces petites— ces histoires difficiles au départ, euh, vous avez su rebondir et ne pas vous laisser, euh, marquer négativement. Et ça, ça me plaît beaucoup parce que vous êtes restée ouverte aux autres et ouverte à l’apprentissage. Donc, je dirais que vous êtes sur le bon chemin de, de la constance du gentilhomme.

Merci beaucoup. Mes chers auditeurs, j’espère que— je suis certaine que vous avez apprécié cet échange avec, donc, mon amie, Madame Nicole Kuster, et qu’il vous apportera autant qu’à moi. Vous venez d’écouter la voix d’OR.RA, que ces voix continuent d’éclairer vos pas là où vous êtes et vous invitent peut-être à faire de votre quotidien un véritable art de vivre.

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Maéva Cortez gestionnaire de patrimoine et agent immobilier: Écoute active, Adaptabilité, Communication interpersonnelle et intergénérationnelle